Cette balade débute dans la Sente des Dorées face à l’ancienne Halle aux bœufs des abattoirs de la Villette (J.de Mérindol Arch. 1867), devenue un lieu culturel depuis sa réhabilitation.
Au n°20 le lycée d’Alembert (P. Tabon & P. Abraham Arch.1936-1937). Le plan est conforme aux principes développés entre les deux guerres: classes orientées vers l’Est et couloirs de circulations à l’Ouest coté rue. Une « classe de plein air » est implantée en terrasse. La monumentalité du bâtiment public est affirmée par des volumes simples: symétrie des entrées et des avant-corps concaves devant les cages d’escaliers.
Face au lycée l’hôpital Jean Jaurès / centre de traumatologie (A-W. Cargill et F. Leroy Arch.1972): façades épurées mettant en évidence les cellules d’hébergement , béton brut et traitement brutaliste des pignons et du dernier étage.
A l’angle de la rue Petit et de la Sente des Dorées sur la place du Général Cochet: un péristyle cintré protège le square du trafic assez dense dans ce secteur proche du boulevard des Maréchaux.
On remonte ensuite la rue Manin en direction des Buttes Chaumont. A l’angle avec la rue d’Alsace-Lorraine une école publique construite vers 1900 (P-L. Nessi Arch.) dont la composition de briques et de métal est caractéristique de l’architecture industrielle de la fin du XIXe.
Ce quartier faisait partie de la commune de Belleville annexée à Paris en 1860, il est implanté sur le versant de la colline ( la butte de Beauregard) nommée ainsi en raison de points de vues réputés. Occupé depuis le Moyen-Age jusqu’en 1872 par des carrières de gypse de 1000 m de profondeur. Il donnait un plâtre d’excellente qualité et aurait été exporté jusqu’en Amérique pour y édifier la Maison Blanche, de là il tire son nom de quartier « d’Amérique ».
Rue de la Solidarité: ensemble HBM (P. Pelletier et A. Teisseire Arch. 1914-1925), le plan masse entre les rues de la Solidarité et Gaston Pinot a dû composer prioritairement avec le relief et la fragilité du sous-sol au dessus des carrières: immeubles à redents autour de cours intérieures plantées s’ouvrant sur la rue par de larges porches.
Rue G. Pinot: ensemble de logements sociaux et ateliers d’artistes (A. Arfvidson, J. Bassompierre et P. de Rutté Arch.1923-1926), le plan masse entre les rues G. Pinot et de la Prévoyance est organisé là aussi autour de grands espaces libres intérieurs en raison de l’instabilité du terrain, l’entrée principale se fait via le porche monumental.
La rue d’Alsace-Lorraine aboutit place Rhin et Danube . Le lycée D Diderot donnant sur la place a été construit sur le terrain de l’ancien hôpital Hérold. La station de métro Rhin et Danube est fondée sur des piliers de plus de 30 m de hauteur dans une ancienne carrière de gypse.
Dès le Second Empire à l’achèvement du programme haussmannien de construction l’État et Paris s’abstinrent de nouveaux programmes et la spéculation privée reprit sa place dans le processus de production des tissus urbains. L’urbanisation de ce quartier a débutée vers 1870 par un projet de marché aux chevaux et au foin, il fut abandonné en raison d’un fiasco financier dans lequel la ville était impliquée. Le quartier conserve de ce projet le tracé des rues datant de 1875 puis complété en 1889.
L’urbanisation a été ensuite relancée par deux créanciers de la société liquidée qui ont confié leurs terrains à l’architecte P-C Fouquiau. Celui-ci les achète dès 1888 et les subdivise ensuite pour les revendre nus ou construits selon le cahier des charges défini par la ville en 1889. A partir de 1899 Fouquiau profitera de la loi Siegfried instituant les HBM (Habitations à Bon Marché) pour créer une société immobilière qui bénéficiera de prêts immobiliers publics pour la constructions de « logements ouvriers ». Paul Fouquiau architecte et promoteur a ainsi réalisé d’autres lotissements à Paris: rues de Panama, de Suez, Eugène Sue, et la villa Olivier Métra pour lesquels il s’est associé avec des banques et des entrepreneurs.
Sur la place un immeuble de 1925 surélevé de cinq niveaux en 1933 comporte un traitement « Art Déco » au niveau de la toiture. Au n° 46 rue du Général Brunet le « Hameau du Danube » est composé de 28 maisons individuelles ( E. Gonnot et G. Albenque Arch.1923-1924). Ces deux architectes ont très souvent travaillé pour l’office HBM de Paris. Les habitations sont implantées de part et d’autre d’une voie de desserte en Y, elles sont construites en briques masquées désormais par des enduits et traitées dans un esprit « pittoresque » un peu suranné.
Le motif architectural du balcon d’angle en demi-cercle est repris plusieurs fois dans le lotissement.
Après avoir emprunté la Villa Amalia on aboutit Rue de la Liberté: au n°29 la seule habitation du quartier dont la terrasse est un élément de composition et surtout un espace de vie face au panorama (R. Fisher Arch.1930). Ici le purisme est revisité si on le compare à l’hôtel particulier Kielberg de la rue Georges Braque réalisé par le même architecte en 1929 ( voir la balade architecturale autour des villas privées du Parc Montsouris).
On revient vers la Villa Marceau que l’on traverse vers la rue du Général Brunet. Ces voies piétonnes dénommées ici « villas » forment un parcours dans lequel on peut déambuler au hasard des espaces entraperçus ou des centres d’intérêts. Un charme assez désuet se dégage de cet ensemble formé par environ 250 maisons avec des jardinets entourés de clôtures végétalisées pour protéger l’intimité .
Les maisons situées en bordure de la rue Mouzaïa sont sensiblement plus grandes que celles situées au centre des « villas » et révèlent par quelques détails une gentrification très avancée du quartier d’où les « classes populaires » ont progressivement disparues depuis une vingtaine d’années en raison de l’augmentation des prix immobiliers.
Villa Cronstadt ( défense de Belleville 1814). La bataille de Belleville qui a opposée l’armée française aux forces alliées contre Napoléon a donné les noms des généraux et des officiers organisateurs de la défense de ces collines ( Ordener, Pelleport, Rébeval, Secrétan, Curial) à différentes rues du quartier ou de l’arrondissement.
A l’extrémité de la rue du Général Brunet on remonte à gauche la rue de Mouzaïa, c’est la principale artère du quartier nommée en souvenir de la prise en 1840 d’un col d’Algérie par le Duc d’Aumale. On longe au n°9 l’église St François d’Assise (P. et A. Courcoux Arch.1914-1926).
A l’angle avec la rue des Mignottes: un ensemble HBM des années 1930.
Au n°18bis rue de Mouzaïa une villa années 30 remaniée.
La villa d’Alsace est la première en remontant la rue Mouzaïa, elle présente des variétés dans le bâti à la suite de différentes extensions .
Villa Eugène Leblanc:
Villa Emile Loubet:
Villa de Bellevue, les 30 « maisons ouvrières » conçues par P. Fouquiau ont été développées selon 4 plans types. Les façades sont en briques. A l’avant une courette, au rez de chaussée une porte d’entrée et une fenêtre, à l’étage une ou deux fenêtres, la toiture est à 2 pentes. Les parcelles de terrains sont très petites et à l’arrière l’espace avec la maison donnant dans la villa voisine est étroit et a été généralement recouvert par un apenti. Les plantations dans le jardinet le long du passage sont donc essentielles pour éviter les vis à vis rapprochés. En haut du passage piétonnier le secteur de rénovation lourde du secteur de la Place des Fêtes se profile.
Angle Villa des Lilas / Mouzaïa:
Angle Villa de la Renaissance / Mouzaïa :
Angle Villa Sadi Carnot / Mouzaïa:
Les propriétaires ont réalisé quelques aménagements pour s’approprier les lieux, de fait ils modifient un peu l’homogénéité initiale.
Villa Félix Faure
Plus loin sur la gauche avant le 59 de la rue de la Mouzaïa (un des trop rare commerce du quartier: le restaurant-concerts associatif » Les petits joueurs« ), on descends dans la rue de l’Égalité .
Les rues Égalité, Liberté et Fraternité on été percées en 1889 lors du centenaire de la Révolution pour exalter les valeurs républicaines. Dans la rue de l’Égalité les parcelles de terrains sont sensiblement plus grandes. Le bâti offre un aspect très composite: grande variété de volumétries et de matériaux.
La butte de Beauregard autrefois nommée en raison des points de vues permet encore aujourd’hui un panorama bien que restreint sur la ville ( ici les tours de la rue de Flandre).
Villa Alexandre Ribot ( ouverte en 1923). L’utilisation de la meulière est assez fréquent sur ce secteur de carrières.
Plus bas à l’angle avec la rue de la Fraternité on aperçoit la villa de R. Fisher et sa toiture terrasse avec pergola, l’Art Déco côtoyant ici un pastiche « normand ».
On revient ensuite vers la haut de la rue de Mouzaïa pour se diriger à gauche en direction du Pré-Saint-Gervais.
Rue des Lilas: une vision inhabituelle du boulevard des Maréchaux qu’on peut traverser pour rejoindre ensuite le square de la Butte du Chapeau Rouge. La Butte fut le théâtre de plusieurs manifestations pacifistes notamment avec J. Jaurès avant 1914.
Au n° 43 de la rue des Lilas, dans ce qui était au XVIIIe une construction à la campagne proche de Paris, « Le manoir de Beauregard » offre des chambres d’hôtes aménagées pour touristes à la recherche d’un Paris moins convenu.
Au n°58-66 de la rue Mouzaïa, la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales de Paris (1971-1974), un bâtiment assez méconnu de Claude Parent (peut être parce que co-signé avec André Rémondet), la paternité du projet est néanmoins évidente.
A proximité de la station de métro « Pré-Saint-Gervais », au n°50 boulevard Serrurier, sur 3 niveaux et sur 6 niveaux face au boulevard d’Algérie, un ensemble d’HBM (M. Houdin Arch.1932) avec ses bow-windows.
Au delà des HBM un belvédère donne face à l’hôpital Robert Debré ( P. Riboulet Arch.1982-1988). Ce centre hospitalo-universitaire consacré à la mère et à l’enfant tire partie du dénivelé et de la configuration de la colline pour intégrer dans un arc de cercle les différentes fonctions. Il est isolé des nuisances du périphérique situé à l’arrière par des bâtiments-écrans dédiés aux laboratoires et aux bureaux.
L’église Ste Marie Médiatrice devenue N.D. de Fatima ( H.Vidal Arch. 1950-1954) a longtemps été isolée sur ce terrain des anciennes fortifications.
On revient sur ses pas et, juste avant le bâtiment de Claude Parent, on monte la rue de l’inspecteur Alles. Plus loin, à l’angle avec la rue du Pré St Gervais, un ensemble de 250 logements HBM ( R. D. et L. Brandon Arch. 1922-1927) avec des succession de redents et une série de loggias, les bow-windows présentent un travail des façades dont l’ornementation associe brique vernissée, cabochons émaillés et éléments de grès de formats et de colorations variés.
A l’approche de Belleville et de la place des Fêtes, il faut rappeler l’histoire de ce lieu considéré comme un » bastion de la classe dangereuse » pendant la révolution de 1848 et durant la Commune en 1871. La topographie de cette colline abandonnée aux classes les plus pauvres joua un rôle stratégique dans les derniers combats entre les insurgés et les versaillais (comme pour la Butte aux Cailles).
On suit la rue du Pré-St-Gervais jusqu’à la rue des Lilas qu’on emprunte pour tourner à gauche rue de Bellevue ( nommée ainsi depuis 1812).
Cette rue est bordée à droite par les différentes villas qui remontent de la rue de Mouzaïa, et à gauche par le secteur de la rénovation lourde de la place des Fêtes. Ce « triomphe d’urbanisme quantitatif » (J.Dubuisson, Delb, Degirmencian Arch.1970-1975) tire sa justification de la crise du logement et de la décision de remplacer les maisons basses des anciens faubourgs, particulièrement dans le secteur Nord-Est de Paris » ou l’habitation est très souvent mal implantée et la vie urbaine mal organisée ». Il aura fallu quelques décennies après l’implantation des tours de 26 étages autour de la place des Fêtes pour admettre enfin que le secteur avait besoin d’être requalifié. Bernard Huet, » l’architecte de parachèvement » de la rotonde de la place Stalingrad, après avoir composé avec les demandes du Maire, des habitants, des commerçants et de diverses associations, « recoudra » ponctuellement les morceaux de cet espace urbain. L’opération a été limitée à l’environnement immédiat de la place des Fêtes, mais en périphérie l’effet « tectonique des plaques » demeure. On réalise alors qu’une ville n’est pas qu’une série de monuments ou de constructions posées de façon fonctionnelle, mais surtout une organisation complexe entre bâtiments, espaces et population.
La rue de Bellevue, bien nommée à la fin XIXe, permettait d’embrasser le panorama de l’Est parisien. A cet emplacement six moulins étaient implantés. La rue se prolonge ensuite rue Compans ( Comte Dominique de Compans, général de division, défenseur de Belleville en 1814). A l’angle avec le haut de la rue des Mignottes d’autres maisons individuelles plus récentes.
On retrouve ensuite la rue du Général Brunet et sur la gauche on arrive au parc des Buttes Chaumont ( coté Métro Botzaris) ou le tissu urbain change totalement en périphérie du parc.
Le parc des Buttes Chaumont occupe lui aussi l’emplacement d’une ancienne carrière de gypse exploitée de la Révolution jusqu’en 1860. Acquis par l’État en 1863, Napoléon III décide d’y créer le grand parc de l’Est parisien.
Marville, le photographe officiel de la ville de Paris, nous révèle la topographie antérieure des lieux en 1865 affectés aux établissements d’équarrissage et de vidanges.
J-Ch Alphand nommé en 1853 par Haussmann ingénieur en chef au « Service des Promenades » en est le Maître d’œuvre assisté de l’architecte Davioud et de l’ingénieur Belgrand. Après 3 ans de travaux les anciennes carrières et décharges à ciel ouvert sont transformées en « campagne urbaine ». Une machine hydraulique monte l’eau du canal de l’Ourq au sommet de la future cascade. Le parc est inauguré en 1867 au même moment que l’Exposition Universelle du Champs de Mars. Alphand réalisera à Paris de 1853 à 1889 les jardins de l’avenue de l’Observatoire, des Champs Elysées, du parc Montsouris, des bois de Vincennes et de Boulogne,et du Trocadéro.
Lac artificiel, Iles, ponts, grottes, fabriques, bosquets à thèmes, cascade alimentée par l’eau du canal de l’Ourq sont mis en scène dans des paysages pittoresques évocateurs de l’Italie ou des Alpes. Le parc des Buttes Chaumont, avec le parc Montsouris au Sud, sont les références de l’époque haussmannienne marquée par la mode du jardin paysager.
Une passerelle suspendue à 65m de haut permet d’accéder au temple de la Sybille, réplique du temple de Tivoli à Rome.
De là, on peut découvrir un large panorama de l’Est parisien.
Du haut du belvédère, vue vers le Nord et dans l’axe de l’avenue de Laumière à l’angle avec la Mairie du XIXe, les 4 tours de l’avenue de Flandre ( M. Schulz Van Treeck Arch. 1970-1978) situées au delà du bassin de la Villette .
Vers Montmartre et la basilique du Sacré-Cœur.