Paris, balade architecturale de Beaubourg au boulevard Beaumarchais.

Le panorama de Paris qu’on découvre des terrasses du centre Pompidou est un livre d’histoire qui mêle l’architecture gothique à celle de la Renaissance et plus simplement à celle de l’époque contemporaine. Cet ensemble de lieux remarquables et de bâtiments emblématiques nous pousse à découvrir le cœur historique situé à proximité.

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L’importante mutation du quartier Beaubourg avec l’implantation du centre Pompidou dans les années 70, considérée par certains comme une rupture dénaturant le paysage, ne doit pas faire oublier que la formation du tissu urbain du Marais a souvent eu pour origine la spéculation foncière menée par les grands propriétaires fonciers du XIIIe siècle: les congrégations religieuses, templiers ou moines de l’abbaye de Saint-Martin-des-Champs.

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La rue de Venise permet de quitter le plateau Beaubourg pour rejoindre la rue  Quincampoix et retrouver une autre échelle de bâti qui nous fait remonter dans l’histoire de Paris. Au n°28 un immeuble mixte bureaux et logements ne joue pas dans le pastiche d’accompagnement comme le quartier de l’Horloge (S.Caillaud Archi.1990).

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La rue Quincampoix est citée déjà en 1023, au XVIII déjà au centre d’un quartier de banquiers elle devint le rassemblement des agioteurs attirés par les spéculations du financier écossais Law entre 1719 et 1720 ( Law était établi dans l’hôtel de Beaufort situé à l’emplacement du n°65 actuel).

Elle débouche sur la rue aux Ours qu’on emprunte pour prendre à gauche la rue St Martin. Cette rue est avec la rue St Jacques la plus vieille rue de Paris. Au temps de Lutèce, ce n’était qu’une piste, elle conduisait vers le Nord. Elle devint plus tard une voie romaine. L’abbaye Saint-Martin des Champs qu’elle longeait (à l’emplacement de l’actuel Conservatoire National des Arts et Métiers) lui a donné son nom.

Plus loin dans la rue St Martin un détour par le passage de l’Ancre Royale ( le plus vieux passage privé de Paris 1510) dont les boutiques, hôtel ou autres activités se sont appropriés l’espace de circulation qui relie la rue St Martin à la rue Turbigo.

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On y trouve quasiment le seul réparateur de parapluie de la capitale ce qui, a l’heure ou le jetable finit par coûter cher, devrait lui permettre de développer son activité dans ce quartier plus connu pour le développement envahissant de la maroquinerie d’importation asiatique.

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Face au passage de l’Ancre Royale: la rue Chapon, qu’on retrouvera plus tard à son extrémité, est une des rues parallèles crées vers 1293 avec les rues de Montmorency ( au n°51 la maison de Nicolas Flamel construite en 1407 a perdu son haut pignon, c’est une des plus anciennes de Paris) et des Gravilliers suite aux lotissements entrepris au cours du XIIIe siècle dans ce quartier de La Ville neuve du Temple.

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Dans la rue des Gravilliers l’attention est retenue par plusieurs hôtels particuliers notamment celui du n°70 construit en 1737 avec une cour carrée.

Dans la cour du n°69 le restaurant marocain « 404 » .

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Au Carrefour rue des Gravilliers et rue du Temple prendre à droite en direction de la rue Rambuteau.

Lorsque l’ordre des Templiers s’implante à Paris en 1139, différentes acquisitions lui permettent de se constituer au nord de l’enceinte de Philippe Auguste un domaine entouré de sa propre enceinte fortifiée et appelé l’enclos du Temple. La rue du Temple constitue une des limites de ce domaine ( correspondant au quadrilatère actuel rue du Temple-rue de Bretagne-rue de Picardie-rue Dupetit Thouars).

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Au n° 106 de la rue du Temple le central téléphonique construit entre 1920 et 1925 ( F. Le Coeur  Arch). Le béton brut est laissé apparent et reçoit un traitement de surface sous forme d’ornement de bâtons de ciment utilisé par cet architecte dans différents bureaux de poste et centraux téléphoniques. F Le Coeur a tenté ici l’intégration d’un grand équipement public dans un quartier historique proche d’hôtels particuliers du XVII et du XVIIIe sans tomber dans le pastiche.

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Perpendiculairement à la rue du Temple : à droite dans la rue Chapon au n°4, l’hôtel particulier construit vers 1619 pour Claude Passart, notaire et secrétaire de Louis XIII, la façade sur jardin avait disparu sous des constructions parasites au XIXe, sa reconstruction en 1992 est donc assez hypothétique.

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On poursuit la rue du Temple jusqu’à la rue des Haudriettes à droite, au n°3 pour « habiller » un retrait brutal de l’alignement: un mur peint de R. Combas  » la Femme lumière de l’Homme« ( 2000).

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Au n°1 à proximité du mur peint une fontaine néo-classique( P. Moreaux-Desproux Arch.1767) à l’angle avec la rue des Archives. A cet emplacement sous l’Ancien Régime était dressée l’échelle de justice du Temple ( trois trous vers le sommet pour y passer la tête et les deux poignets du criminel).

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On emprunte à gauche la rue des Archives vers le faubourg du Temple. Le coté droit est un alignement continu de différents hôtels particuliers du XVIIe. Un des plus beaux est certainement celui de Guénégaud des Brosses au n°60  le seul hôtel particulier de F. Mansart subsistant à Paris ,1652 . Sauvé par Malraux et acheté par la ville de Paris en 1961 il a fait l’objet de très importants travaux de rénovation entrepris par F. Sommer et son épouse pour accueillir le Musée de la Chasse et de la Nature avec une extension au n°62 dans l’hôtel de Mongelas construit en 1705.

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Au n°61, juste avant l’extension du central téléphonique Archives, une entrée d’immeuble ( C-C. Paul Blondel Arch 1907).

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Au n° 63 le central téléphonique construit par F. Le Coeur entre 1928 et 1932 et reprenant l’ordre colossal des façades réalisé en 1920 au 106 de la rue du Temple, pour cette réalisation le béton a été laissé brut et bouchardé. A cet emplacement était situé l’hôtel du président Lefébvre construit au début du XVIIe.

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Angle rue Pastourelle-rue des Archives( prolongement de la rue des Gravilliers), dans sa partie Ouest la rue Pastourelle a été construite fin du XIIIe siècle sur un parcellaire du lotissement médiéval.

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La diversité et la proximité des commerces certes complémentaires met en évidence la gentrification du quartier.

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Angle avec la rue Portefoin, ce reste de mur avec une arcade bouchée est celui de l’ancien hôpital des Enfants Rouges fondé par François Ier pour recueillir et éduquer des orphelins, ils étaient habillés de rouge couleur de la charité d’où leur nom .

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Rue Portefoin, la bibliothèque de la ville de Paris (SCP Delatre et Doucot Arch.) a conservé une partie des bâtiments existants. Au n° 14 un bel hôtel particulier de l’époque Louis XIV remanié a conservé son portail d’accès vers la cour intérieure.

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L’autre extrémité de la rue Portefoin ouverte par les Templiers débouche rue du Temple et aboutit peu après au Square du Temple. Face au square la Mairie du IIIe arrondissement est construite sur l’emplacement de l’ancienne prison du Temple.

 

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C’est à cet emplacement qu’un vaste terrain fut donné à l’ordre du Temple vers 1170 à l’extérieur de l’enceinte de Philippe Auguste. En 1291 après la perte de la Palestine  le Grand Maitre de l’ordre des Templiers installa sa commanderie à Paris pendant le règne de Saint-Louis.

Cet enclos fortifié en périphérie de la tour du Temple constituait le siège de la banque de l’ordre ou le Trésor royal français fut conservé dès 1146. En raison du développement de la puissance des Templiers devenu inquiétant pour Philippe le Bel celui-ci supprima l’ordre en 1313 et l’enclos revint à l’ordre des Hospitaliers de St Jean de Jérusalem qui en fit un grand prieuré en 1667.

De cet ensemble de murailles et de bâtiments il ne reste rien et l’enceinte du Temple a été détruite en même temps que celui de la ville. Autour de cet enclos le tracé des rues correspond aux lotissements des terrains de l’ordre entrepris entre 1280 et 1290, notamment les actuelles rues Portefoin, Pastourelle, des Haudriettes et Braque, découpées selon les demandes de riches acheteurs pour y construire des hôtels particuliers. Plus tard vers 1667 les murailles ont été abattues pour développer d’autres hôtels particuliers.

En 1808 Napoléon Ier fit démolir le donjon du Temple pour faire cesser le pèlerinage royaliste développé autour de cette tour devenue prison durant la Révolution et qui servit de geôle à Louis XVI et à la famille royale de 1792 à 1793.

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Parallèlement, lors des travaux entrepris sous Napoléon Ier pour l’amélioration de la vie quotidienne, la « halle au vieux linge », consacrée à la fripe, fut transférée en 1809 de la rue de Poissy et du marché des Innocents sur les terres du Temple. L’architecte Molinos imagina quatre pavillons en bois pour recevoir la fripe, la vieille ferraille, les chaussures et les vêtements.

Enfin en 1863 les architectes J. de Mérindol et E. Legrand réalisèrent six pavillons dans l’esprit des « vastes parapluies » construits par Baltard pour les Halles. Amputé en 1905 des quatre principaux pavillons le Carreau du Temple a fait l’objet d’une rénovation importante pour y intégrer différents équipements de quartier ( Studio Milou Arch).

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Au nord du square du Temple la rue Dupetit-Thouard offre de multiples terrasses de cafés.

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En contournant le Carreau du Temple on arrive dans la rue du Forez qui débouche dans la rue Charlot. En 1608 Henri IV avait l’ambition de créer la « place de France » dans ce quartier de la Ville neuve du Temple. Claude Charlot est intervenu en sous-main du roi avec sa qualité d’entrepreneur et d’acheteur vers 1610 d’un grand nombre de parcelles du terrain des Templiers. Néanmoins l’ambition royale a été stoppée après l’assassinat d’Henri IV, les seules traces de cette idée restent les noms des rues avoisinantes: Normandie, Bretagne, Perche, Poitou, Saintonge, Forez. La rue Charlot possède plusieurs beaux petits hôtels du début du XVIIe siècle.

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Au n° 6 voir St Jean St François affectée aux catholiques arméniens, ancienne chapelle des Petits Capucins du Marais bâtie en 1624 et entièrement réédifiée en 1715 et à l’angle avec la rue du Forez au n° 57 un hôtel particulier avec une porte de 1776 .

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Rue de Bretagne (au n°10 un immeuble de rapport d’Hector Guimard de 1919, dont la verticalité est accentuée par les bow-window et l’ossature) il ne faut pas manquer le marché des Enfants Rouges accessible à partir du n°30 ou à partir de la rue Charlot. Inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques, ce marché est à la fois le plus ancien de Paris (1615) et aussi le plus bobo. Façon « place de village » dans une ambiance très conviviale on y trouve une grande diversité des offres de restauration autour de tables communes (ouvert du mardi au dimanche). Dans le même village voir aussi un « jardin partagé »: le Potager des oiseaux crée en 2004.

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Dans la rue Charlot on prend ensuite la rue de Poitou. Cette rue ainsi que celle de Saintonge s’ornent, elles aussi, de façades sans ornements du début du XVIIe.

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Les commerces d’alimentation sont remplacés par des boutiques de décoration, diverses galeries d’art et des créateurs de mode, parfois une ancienne boutique sert de hall de réception à un petit hôtel de charme comme celui à l’angle des rues du Poitou et de  Saintonge .

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Compte tenu de l’attractivité des devantures dont les détails suscitent curiosité ou intérêt, la balade se transforme en un zig-zag sur les trottoirs, comme dans la rue Debelleyne vers la rue de Bretagne dont le tracé courbe serait un souvenir de la rue ceinturant ce projet de « place de France » voulu par Henri IV. Au fond le pignon peint de la rue de Bretagne contre le bâtiment d’Hector Guimard (1914-1919) du 10 rue de Bretagne, d’une simplicité et d’un rationalisme inhabituels.

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On se dirige ensuite vers la rue Vieille du Temple qu’on traverse pour tourner à gauche vers la rue du Pont aux Choux.

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Au n°110 de la rue Vieille du Temple l’hôtel d’Hozier (1623) comporte une cour d’honneur initialement en pierre et briques du style Louis XIII, le portail sur rue date de 1731, la façade a été surélevée de deux étages au 19é siècle.

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La rue du Pont aux Choux ( le nom provient d’un petit pont qui enjambait un ruisseau dans un secteur de jardins maraichers au début du XVIIe) débouche boulevard Beaumarchais créé en 1670 après la destruction de l’enceinte de Charles V.

Le boulevard a été établi sur le remblai qui supportait cette enceinte, ce qui explique les escaliers entre le coté pair du boulevard coté rue Amelot. Cette enceinte est devenue au fil du temps la base matérielle de l’identité urbaine par opposition aux faubourgs.

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Au n° 113 de la rue du pont aux Choux, à l’angle avec le boulevard Beaumarchais, un immeuble de rapport construit en 1773 inscrit en 1925 aux Monuments Historiques.

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Au n°111 un temple de la consommation bobo recèle en cœur d’ilot quelques belles surprises, luxe calme et volupté .

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Au n°31 du boulevard Beaumarchais et à l’angle avec la rue du  Pas-de-la-Mule un immeuble d’habitation(G.Sachs Arch.1934) construit sur un terrain de 100 m² brique sur  ossature métallique avec bow-window en gravillon lavé.

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